Partons d’un postulat:
tout discours sur l’humain suppose une conception particulière de celui-ci.
Cette conception peut se révéler plus ou moins floue, elle est néanmoins toujours
présente. Ainsi, lorsque nous parlons de nos semblables et évoquons leur
existence, nous possédons, à tout le moins, une vision minimale de ceux-ci. Ce
raisonnement peut être tenu à propos de la majorité des autres concepts que
nous mobilisons au quotidien.
En tant que psychologues
sociaux, nous sommes amenés à « travailler » l’humain au quotidien.
Il est au centre de nos activités et de nos réflexions, il constitue notre
objet/sujet de recherche. Nous en possédons dès lors a fortiori une/des
visions/conceptions particulières. Or, à mon humble expérience, ces conceptions
de ce que constitue l’humain sont rarement conscientisées et moins encore
débattues, à tout le moins au sein de notre champ. Or, celles-ci
constituent une part du socle de notre discipline et me semblent être à même de
pouvoir guider en partie notre action.
En effet, considérer
l’humain comme un assemblage plus ou moins ordonné de molécules diffère
grandement d’une conception de celui-ci comme être transcendant, et n’amène probablement
pas à l’envisager/le travailler/l’étudier de la même façon.
En deçà donc des
épistémologies (traitant du statut de la connaissance) et des questions
méthodologiques permettant de l’appréhender d’une manière ou d’une autre, la
question du statut de l’humain en tant que tel reste un mystère pour moi.
Ainsi, l’appréhension des
conceptions de l’humain sous-jacentes à notre pratique/action (et donc, conçues
comme antérieures à toute considération épistémologique et méthodologique) me
fait me poser quelques questions :
⁃ Pourquoi nos conceptions de l’humain font si peu l’objet d’une
conscientisation ?
⁃ Quels sont les enjeux de la conscientisation de ces conceptions en termes
de recherche et de recherche-action?
⁃ Par quelles méthodes arriver à la prise de conscience de ces conceptions?
⁃ Quel est l’impact des conceptions particulières de l’humain portées par les
chercheurs en tant qu’individus, sur leur propre recherche ?
⁃ En quoi les épistémologies et modes méthodologiques influencent a
posteriori la vision qu’en tant que chercheurs nous nous faisons de l’humain et
en quoi cela constitue-t-il un enrichissement/appauvrissement de notre
réflexion ?
⁃ Finalement, en quoi la lecture de ces questions entraine-t-elle déjà un
début de réflexion ?
Je ne sais pas si je peux répondre à tout...Une réponse de philosophe des sciences à la première question pourrait consister à dire que nous ne faisons que reprendre les paradigmes en vigueur dans nos disciplines sans, dès lors, expliciter les suppositions sur lesquelles elles sont fondées. Dans notre propre domaine, cette tendance est sans doute renforcée par une relative inculture par rapport à l'histoire de la discipline. Par exemple, l'idée que la psychologie sociale expérimentale moderne, malgré sa prétention à appréhender les influences sociales sur le comportement, trouve l'une de ses plus importantes inspirations dans la perspective profondément individualiste de Floyd Allport, est méconnue de nombreux chercheurs dans le domaine. A vouloir faire et produire du nouveau, on occulte nos propres racines intellectuelles et on prend pour "naturel" ce qui est historique (selon un processus bien connu en psychologie sociale)
ReplyDeleteGlobalement, nous sommes tous infectés de libéralisme, au sens de l'déologie du capitalisme privé, dont la vision de l'humain est celle d'un ensemble d'individus (ou de familles) entassés et tous en lutte les uns contre les autres, un schéma purement abstrait, sauf appliqué aux milieux bourgeois. Or nous savons par diverses sources factuelles que c'est non seulement faux mais opposé à la réalité humaine naturelle, et même réelle chez la plupart des peuples de civilisations historiques, y compris la nôtre.
ReplyDelete"L"humain est un mammifère communautaire" (je me cite), entendu litéralement, suffit pour remettre en cause presque tous nos dogmes : propriété, argent, commerce & "marché", couple & famille, religions de pouvoir, toutes hiérarchies... Les peuples archaiques ne dressent ("éduquent") même pas les enfants !
Nous occidentaux modernes, surtout les élites, sommes en fait extrémistes dans notre culture (lire: idéologie), surtout moralement, même comparés à d'autres peuples presque aussi totalitaires (envers les enfants aux autres).
Voir pour l'application aux sciences humaines et sociales (qui sont invalides dès qu'elles utilisent comme cobayes presque uniquement des membres de cette classe extrémiste) : "The weirdest people in the world?"
https://www.cambridge.org/core/journals/behavioral-and-brain-sciences/article/weirdest-people-in-the-world/BF84F7517D56AFF7B7EB58411A554C17