Dans
une classe de cours, le silence et le calme sont traditionnellement considérés,
tant par les élèves que par le professeur déstabilisé ou agacé par le brouhaha,
comme témoignant de l’attention des élèves. Il s’agit pourtant d’un cliché, car
rien ne permet de conclure du silence d’un élève que celui-ci n’est pas
dissipé, qu’il ne pense pas à autre chose. Rien ne permet non plus d’en déduire
qu’il comprend la matière que le professeur lui enseigne à ce moment. Pourtant
cette illusion demeure. Ne dit-on pas d’un enfant studieux qu’il est
sage ? Et combien d’étudiants,
après une première session difficile, ne prennent-ils pas la résolution
d’assister désormais aux cours en évitant
d’entrer en discussion avec leurs camarades de classe ? Savoir
rétablir le calme et le sérieux durant
les heures d’enseignement n’est-il pas considéré comme le gage d’un bon
enseignant ?
Si
cette vision de l’attitude idéale à adopter est généralement acceptée, la
question de l’objectif pédagogique poursuivi en classe est incontournable. En effet, si le but est
d’éduquer les élèves, de leur apprendre l’importance des règlements à respecter
et des comportements à proscrire dans certains contextes, dans ce cas une
ambiance calme et studieuse, encadrée par un enseignant sérieux sera nécessaire
et potentiellement fructueuse.
Toutefois,
si l’objectif de la séance de cours est l’apprentissage, qu’il s’agisse de retenir des
éléments et/ou de comprendre une nouvelle matière, l’obligation de recourir au
sérieux considéré comme un outil pédagogique indispensable mérite d’être
soumise à questionnement.
En
effet, d’un point de vue purement cognitif, plusieurs études ont permis de
mettre en évidence l’influence de l’humour sur la mémorisation proprement
dite : lorsqu’ils sont accompagnés d’une forme d’humour, les phrases
(Schmidt, 1994), les lectures de textes (Ziv, 1988 ; Kaplan & Pascoe,
1977, Kintsch & Bates, 1977), les tests scolaires (Berk, 2000, McMorris,
Boothroyd, & Pietrangelo, 1997), ainsi que les publicités (Gelb &
Zinkhan, 1986) sont retenus de façon plus efficace que dans des conditions
neutres.
Dans
une perspective sociale, l'humour présenterait un avantage appréciable :
celui de créer une atmosphère agréable
en classe. L'apparition et le maintien d'un tel climat s'expliqueraient
notamment par l'atténuation de la distance psychologique entre l'enseignant et
les élèves (Ziv, 1988).
Encore
une fois, d'un point de vue traditionnel, la perception de cette distance par
les élèves serait nécessaire et
justifiée par le respect qu'elle entraînerait. Néanmoins, si l'humour employé en
classe correspond bien à des expressions verbales et/ou à des attitudes perçues
comme humoristiques, c'est-à-dire drôles et partagées (les blagues unilatérales
consistant à se moquer d’une personne, le plus souvent d’un élève sont
évidemment contreproductives), il ne me semble pas que sa présence puisse nuire
au développement du respect réciproque. Au contraire, en favorisant le
développement d'une attitude de flexibilité et de communication directe,
l'emploi de l'humour offrirait de solides bases pour une relation de respect.
Outre
l'atténuation de la distance vis-à-vis de l'enseignant, l'humour, grâce à sa
qualité de « contagion », diminuerait également la distance entre les
élèves. Dans le cas de premières années d’études, regroupant des élèves ou
étudiants issus de différents milieux et de différentes écoles précédentes, le
climat de la classe peut être fortement empreint de leur timidité, voire de
leur méfiance respective. En réduisant le stress, un ton humoristique ou un
exercice ludique faciliteraient tant l'expression des opinions que les discrets
échanges de réactions : "Le rire est le chemin le plus direct
entre deux personnes" disait Charlie Chaplin.
Cette
qualité est d'autant plus utile, lorsqu'il s'agit d'aborder des thématiques
délicates, susceptibles de mettre mal à l'aise des élèves ou une minorité spécifique
d'entre eux. Rire des préjugés, des normes sociales, des différences...,
consiste en une façon de surmonter sainement et pacifiquement la rencontre avec
les autres.
Enfin,
si l'enseignant ouvre la porte à une atmosphère amusante, il ne peut la
refermer aux élèves souhaitant y apporter activement leur sensibilité. L'humour
n'est pas et ne doit pas être unilatéral. Si l'enseignant donne le ton de
l'humour, il doit être prêt à renoncer, non pas au sérieux de l’enseignement
prodigué, mais au calme conventionnel de
la classe de cours : le rire, comme les idées, se discutent dans un bruit
certain. Ce brouhaha plus ou moins agité, loin du manque de considération pour
le cours et pour l'enseignant, serait le témoin d'un apprentissage actif. Faire
cours, comme faire rire, est un acte de communication.
Références:
Berk, R. A. (2000). Does humor in course tests reduce
anxiety and improve performance ? College Teaching, 48, 151-158.
Gelb, B. D., & Zinkhan, G. M. (1986). Humor and
advertising effectiveness after repeated exposures to a radio commercial.
Journal of Advertising, 15, 15-20.
Kaplan, R. M., & Pascoe, G. C. (1977). Humorous
lectures and humorous examples : Some effects upon comprehension and retention.
Journal of Educational Psychology, 69, 61-65.
Kintsch, W., & Bates, E. (1977). Recognition
memory for statements from a classroom lecture. Journal of Experimental
Psychology : Human Learning and Memory, 3, 150-159.
McMorris, R. F., Boothroyd, R. A., &
Pietrangelo, D. J. (1997). Humor in educational testing : A review and
discussion. Applied Measurement in Education, 10, 269-297.
Ziv, A. (1988). Teaching and learning with humor :
Experiment and replication. Journal of Experimental Education, 57, 5–15.
Un billet rédigé par Sarah Miller, assistante au sein du centre de psychologie sociale et interculturelle de l'Université Libre de Bruxelles.
Un billet rédigé par Sarah Miller, assistante au sein du centre de psychologie sociale et interculturelle de l'Université Libre de Bruxelles.
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